Récits visuels

La création d'un nouveau langage visuel

L’évolution de son langage visuel 

 

Morrisseau a façonné un langage visuel original, du jamais vu pour les artistes et le public. Pour cette raison, de nombreuses personnes le qualifient de Picasso du Nord. Si Picasso a participé à la création du cubisme, Morrisseau a conçu un langage artistique à partir des formes de savoir anishinaabe, notamment le récit. Ce langage est parfois nommé le « Woodland Art ».

Dans les années 1950, Morrisseau explore différentes façons de partager ses récits visuels. Les connaissances et les idées tirées des aadizookaanag lui permettent de mettre au point une forme de narration visuelle destinée à se transformer en langage visuel.

Il travaille souvent avec de l’écorce de bouleau, de la peau et du contreplaqué à la fin des années 1950 et au début des années 1960. Il explore divers thèmes avec des lignes et des cercles fragmentés en recourant tantôt à la peinture à l’huile et à l’encre sur papier, tantôt à la tempera.

Tout au long des années 1960, il continue à peindre sur différentes matières et à explorer les couleurs, bien qu’il se serve principalement de carton et de papier, plutôt que de toile, pour ses premières œuvres.

C’est au début des années 1970 que le langage visuel de Morrisseau atteint sa pleine maturité grâce au recours aux lignes, aux couleurs et au symbolisme. La peinture acrylique amène Morrisseau à multiplier les couleurs dans son art. Certaines correspondent à des interprétations spirituelles, d’autres font partie de sa palette.

À la fin des années 1970, sa narration visuelle évolue de nouveau pour incorporer son intérêt pour le mouvement d’Eckankar. Comme la couleur jaune joue un rôle essentiel dans ce mouvement, Morrisseau commence à l’utiliser davantage dans ses peintures.

Au cours des années 1980 et 1990, ce sont la couleur et la taille des œuvres qui poussent Morrisseau à emprunter de nouvelles avenues. Il continue d’employer le trait et fait souvent appel à l’imaginaire symbolique pour déployer une vaste gamme de récits visuels.

Norval Morrisseau, Man Changing into Thunderbird (Two Birds) | Untitled (Man Transforming into Thunderbird), 1958.

Les premières méthodes adoptées par Morrisseau pour transmettre des récits se font à l’aide de lignes noires et de cercles fragmentés.

Si cette interprétation de Man Changing into Thunderbird comprend des êtres-tonnerre émettant des lignes, Morrisseau n’emploie pas encore le trait pour relier les cercles fragmentés aux figures. L’œuvre de jeunesse est réalisée à l’aquarelle et à l’encre sur de l’écorce de bouleau. Celle-ci regroupe des éléments des récits visuels que Morrisseau va adapter, modifier et explorer à maintes reprises au fil de sa carrière artistique.

L’écorce de bouleau, ou wiigwaas, s’avère un matériel facile d’accès pour l’artiste au moment de créer cette œuvre en 1958. Le bois offre une couleur de fond naturelle et souligne les liens qui unissent tous les êtres vivants, autant de strates d’interrelations qu’évoque Morrisseau.

L’œuvre explore le thème de la métamorphose cérémonielle. Morrisseau y présente la première ébauche de ses explorations visuelles. Il explique comment l’homme se métamorphose en Oiseau-Tonnerre, un thème qu’il aborde en profondeur vingt ans plus tard, en 1976, dans son œuvre phare de six panneaux, Man Changing into Thunderbird.

Cette œuvre a fait partie de la première exposition de Morrisseau à la Pollock Gallery. On y voit le serpent-médecine cornu, qui dote un groupe d’hommes-médecine de pouvoirs. Des lignes relient tous les êtres et des traits dentelés symbolisent la transmission et la réception des pouvoirs.

Morrisseau se sert du blanc pour évoquer le caractère spirituel du récit en plus d’ajouter divers éléments décoratifs à l’intérieur du serpent-médecine pour témoigner de sa puissance.

Norval Morrisseau, Serpent Legend, 1962.
 

Norval Morrisseau, Bear and Lake Trout, 1962.

Le tableau, présenté lors de l’exposition à la Pollock Gallery en 1962, illustre à merveille les premières expressions du vocabulaire narratif de Morrisseau.

Morrisseau peint en blanc l’intérieur des corps de l’ours et du poisson pour marquer leur caractère sacré. Une ligne relie le poisson à l’ours, de leurs bouches à leurs derrières, de façon à souligner leur rapport sacré. Morrisseau ajoute un motif de cercle ou de soleil fragmenté sur le dos de l’ours. De plus, il intègre une série de courtes lignes sur l’ours et le poisson pour évoquer leur énergie spirituelle.

    Norval Morrisseau, Ancestral Figure, 1964.

    Norval Morrisseau avec ses toiles, 1965.

    Deux ans après son exposition à la Pollock Gallery, Morrisseau commence à asseoir les principes de son langage visuel. Tout d’abord, le personnage apparaît de profil et la disposition des éléments se fait au centre du tableau. Au fil de sa carrière, l’artiste peint la plupart du temps les figures humaines de profil. Comme dans le cas de l’œuvre Ancestral Figure, il dispose le plus souvent sa composition au centre du cadre. Morrisseau fait appel à des couleurs éclatantes et à des lignes noires pour traduire la portée spirituelle de cette figure. Lors d’un rêve-médecine, l’artiste a reçu deux nuances de bleu. Ici, il emploie un bleu foncé pour signifier que cette figure est protégée par la nuit.

    Morrisseau conçoit cette œuvre alors qu’il vit à Cochenour, comme une forme de troc. Il l’a donnée à l’épicier de F. Reid and Sons pour payer ses provisions.

    Au cours de sa carrière, Morrisseau a souvent créé des autoreprésentations. Certains autoportraits sont évidents en raison de leur titre, d’autres le sont moins, comme cette œuvre sans titre. 

    Norval Morrisseau, Untitled (Shaman), 1964.

    L'artiste anishinaabe et gardien du savoir Saul Williams discute de l'œuvre Untitled (Shaman).

    Norval Morrisseau, Portrait of the Artist as Jesus Christ, 1966.

    Norval Morrisseau, Indian Jesus Christ, 1974.

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